Albert CAMUS : Noces Sumario Français English not available Deutsch nicht verfügbar Español no disponible Página actualizada el 03.12.2002
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Albert Camus : Noces

Camus

1913-1960

Noces paraît en 1939 alors qu’il a 26 ans.

Structure / Résumé

L’épigraphe de Noces a de quoi surprendre, Albert Camus cite Stendhal : une des Chroniques italiennes, « la duchesse de Palliano ».

Noces à Tipasa [p.11-21]

Tipasa est une ville romaine d’Algérie en ruines, à 65 km d’Alger, sur laquelle se sont greffés des villages de pêcheurs.

L’essai dessine un parcours dans un lieu, tout au long d’une journée d’été, du matin à la tombée de la nuit. Camus y décrit une expérience de la plénitude, de la satiété. Il n’y est pas venu seul. Dans ce 1er essai, la nature s’incarne plus spécifiquement dans le soleil et la mer. Cet essai nous plonge donc dans la joie des sens, sensations de bien-être traduites par la métaphore filée de l’union, de la fusion charnelle, qui concerne à la fois les éléments de la nature elle-même et le rapport de l’homme et de la nature.

Le vent à Djémila [p.23-32]

Djémila, c’est le Désert, sur les hauts plateaux du Constantinois, et il faut beaucoup de temps pour y arriver.

Le 2nd essai présente des caractéristiques qui le rapprochent du 1er : il décrit également un lieu précis, un autre paysage de ruines romaines, visité au long d’une journée entière. Cet essai dit aussi les noces de l’homme avec la nature, mais dans une tonalité bien plus sombre et plus amère que le 1er essai. Alors que Tipasa permettait de ressentir la plénitude dans l’abandon aux éléments, Djémila procure au contraire une sensation de dépouillement, de dessèchement du corps, fouetté par un vent violent. A Djémila, le soleil dessèche, brûle et dévaste les corps, il les pétrifie.

L’été à Alger [p.33-52]

Après une brève introduction, qui donne à voir quelques images du peuple algérien, Camus brosse le tableau des baignades à Alger, et l’oppose aux silences de ses soirs « fugitifs », il dépeint ensuite ce peuple enfant aux « bonheurs faciles », « sans défense contre la mort », enfin il conclut sur la pureté de ce peuple et « l’âpre leçon » de ce pays.

Le désert [p.53-70]

« à Jean Grenier ». C’est en 1937 que, profitant d’un billet à tarif réduit, Camus a fait le voyage à Florence.

Le parcours auquel invite « le désert » suit donc encore une forme nouvelle, par rapport aux trois essais qui le précèdent. Il ne s’agit plus de découvrir un lieu bien circonscrit, mais un pays tout entier, L’Italie, présentée comme la patrie de l’art et des peintres, ce qui permet une atemporalité relative à la description. Camus nous invite à le suivre à travers la Toscane (en particulier dans les villes de Pise et de Florence) en évoquant alternativement des paysages et des peintures. Camus conclut que l’Italie est pour lui une terre de prédilection parce qu’elle incarne par excellence le balancement qui clôt sa réflexion sur l’homme et son bonheur : la coexistence de la beauté et de la mort est paradoxale, mais il faut y consentir sans pour autant s’y résigner.

idées

Les expériences

Dès le 1er texte Noces à Tipasa, Camus constate la difficulté de remonter à l’expérience originelle, entreprise qu’il décrit toujours comme une sorte d’ascèse : « Ce n’est pas si facile de devenir ce qu’on est, de retrouver sa mesure profonde. » (p.14). Mais dans le vent à Djémila, il semble atteindre à cette plénitude dans le sentiment immédiat de l’existence : « Oui, je suis présent . […] Car, pour un homme, prendre conscience de son présent, c’est ne plus rien attendre.» (Le vent à Djémila p.26) (lucidité)

On retrouve dans Noces une exaltation lyrique (comme chez Gide) face à la beauté du monde, une sorte d’ivresse qui conduit à l’oubli de tout ce qui n’est pas la sensation immédiate. Pour Camus, le corps est un instrument de perception.

Ces noces ne sont pas avec un être, mais avec le monde réel, le monde présent, dans toute sa sensualité débordante et dévoratrice. Une telle union conduit, dans Noces à Tipasa, à « l’heureuse lassitude d’un jour de noces avec le monde » (p.17)

Les expériences ont une durée : « Que d’heures passées à écraser les absinthes, … »

La mort et le refus des illusions

L’hédonisme du dénuement relève bien d’une ascèse, qui, chez Camus, implique une sorte de « dépossession de soi-même », un renoncement à toute illusion et plus particulièrement à l’espoir d’une autre vie.

A propos des algériens : « Ce peuple tout entier jeté dans son présent vit sans mythes, sans consolation. », « aucune divinité trompeuse »  (p.46). La jeunesse d’Alger n’a pas d’histoire, ni de devenir : la morale est de profiter de l’instant. « Voici un peuple sans passé » (p.45-46). L’indifférence à l’histoire est aussi l’indifférence à la mort. Par « mythes », Camus entend ici religion, ou éléments consolateurs d’un religion. Le dimanche et le cimetière perdent ici leur sens. Le peuple d’Alger est exemplaire aux yeux de Camus dans la mesure où il sait vivre au présent, refusant les espoirs d’une autre vie, ainsi que le recours mensonger à une quelconque transcendance. Selon Camus, le vie ne peut se révéler dans toute sa beauté qu’à ceux qui acceptent l’idée que la chair est mortelle.

Le site des ruines de Djémila lui fait sentir son propre dénuement et le goût de la mort, qu’il a en commun avec cette ville morte. Camus s’inscrit contre le projet et contre la mort. « Il ne me plaît pas de croire que la mort ouvre sur une autre vie. Elle est pour moi une porte fermée. » (p.27). « De la boîte de Pandore où grouillaient les maux de l’humanité, les Grecs firent sortir l’espoir après tous les autres, comme le plus terrible de tous. » (p.49)

Noces est un hymne à la vie, fait l’apologie de la satiété.

Le présent

Le présent est le temps le plus performatif qui soit. Fonction performative : dire, c’est faire. Exemples dans Noces p.15 : « "Voici qui est rouge, qui est bleu, qui est vert. Ceci est la mer, la montagne, les fleurs" ».

On trouve dans Noces un présent incident, correspondant à des actes, à des mouvements, à l’intrusion ou en tout cas à la manifestation de la vie des hommes dans un paysage de ruines qui devrait signifier la mort.

Le passé de Noces est intégré au présent, transformé en présent.

Le mythe de Sisyphe montre que l’enfer peut être un éternel présent : là où l’impassibilité de l’homme et sa grandeur sont sans espoir (p.55) : « Cette impassibilité et cette grandeur de l’homme sans espoir, cet éternel présent, c’est cela précisément que des théologiens avisés ont appelé l’enfer. ». Un Piero della Francesca l’avait compris, mais le cardinal Carafa aussi. Et on saisit mieux pourquoi Camus a choisi pour épigraphe le récit fait par Stendhal de ses derniers instants. Car la manière dont le cardinal, étranglé par deux fois, regarde le bourreau sans prononcer un mot, illustre et le principe de répétition et le regard stoïque qui caractérise le condamné, le damné, et Sisyphe lui-même, avant de caractériser l’homme confronté à l’absurde.

Citations

Noces à Tipasa

« Tout à l’heure, […] j’aurais conscience […] d’accomplir une vérité qui est celle du soleil et sera aussi celle de ma mort. Dans un sens, c’est bien ma vie que je joue ici. » (p.16)

« J’appelle imbécile celui qui a peur de jouir. » (p.18)

« A Tipasa, je vois équivaut à je crois ». (p.18)

 « Il y a un temps pour vivre, et un temps pour témoigner de vivre. » (p.18)

Le vent de Djémila

« Il est des lieux où meurt l’esprit pour que naisse une vérité qui est sa négation même. » Le vent à Djémila p.23 (1ère page)

Djémila : « Ce n’est pas une ville où l’on s’arrête et que l’on dépasse. » (p.24)

 « Par [ma peau], auparavant, je déchiffrais l’écriture du monde. » (p.25)

« De la mort et des couleurs, nous ne savons pas discuter. » (p.29)

« Toute mon horreur de mourir tient dans ma jalousie de vivre. » (p.30)

« Le monde finit toujours par vaincre l’histoire. » (p.32)

L’été à Alger

« Beaucoup en effet, affectent l’amour de vivre pour éluder l’amour lui-même. On s’essaie à jouir et à « faire des expériences ». Mais c’est une vue de l’esprit. » L'été à Alger p.48

« On se dépêche de vivre » (p.46)

Le désert

« C’est qu’ils [les peintres] travaillent dans cette matière magnifique et futile qui s’appelle le présent. » Le désert p.54

« J’appelle vérité tout ce qui continue. » (p.54)

« La seule vérité est le corps ; c’est une vérité qui doit pourrir » (p.55)

 « Il n’y a pas tellement de vérités dont le cœur soit assuré. » Le désert p.56

« Double vérité du corps et de l’instant » Le désert p.59. La formule est sans doute celle qui exprime de la façon la plus concise la conception camusienne de la vérité qui refuse l’absolu, le transcendant et toute forme de prospective.

« Une certaine continuité dans le désespoir peut engendrer la joie. » (p.63)

 « On y apprend du moins à ne compter sur rien et à considérer le présent comme la seule vérité qui nous soit donnée par « surcroît ». » Le désert p.65

« Mais qu’est-ce que le bonheur sinon le simple accord entre un être et l’existence qu’il mène ? » Le désert p.65

 « La grande vérité que patiemment il [le paysage] m’enseignait, c’est que l’esprit n’est rien, ni le cœur même. » Le désert p.67

« le bonheur naît de l’absence d’espoir ». (p.68)

Divers

Dans la préface de l’envers et l’endroit, Camus écrit : « Il n’y a pas d’amour de vivre sans désespoir de vivre. »

Nicolas ROFFET - 11.06.2003 Subir al principio de la página